*Dans les temps anciens, les personnes atteintes de la lèpre étaient souvent obligées de se signaler en faisant du bruit afin d’avertir ceux qui s’approchaient d’elles. Sur l’image, on peut voir ce qu’on appelle une cliquette, instrument en bois qui servait à cet usage. (Source : Wikipedia)
La bonne nouvelle d’abord : en Suisse, la probabilité de contracter la lèpre est aujourd’hui quasi nulle. Le dernier malade de la lèpre en Suisse est décédé il y a une centaine d’années. Depuis, cette maladie infectieuse a disparu de nos contrées. Et cela vaut pour une grande partie du globe : de nos jours, environ 95 % des personnes à travers le monde disposent des défenses immunitaires nécessaires pour faire face à la bactérie de la lèpre et la repousser. De plus, depuis les années 1960, la lèpre figure parmi les maladies totalement curables, à condition d’être diagnostiquée suffisamment tôt. Maintenant la mauvaise nouvelle : en 2025, certaines populations ne bénéficient toujours pas de ces avancées médicales. En effet, le taux de contamination reste élevé, avec environ 200 000 cas dépistés par an, dont une majorité en Asie du Sud-Est, en particulier en Inde.
Une maladie toujours aussi stigmatisée
Mais pourquoi cette maladie très ancienne reste aussi répandue en Inde ? Selon une étude FAIRMED (voir encadré), un élément complique grandement la lutte contre la lèpre : les stigmatisations associées à la maladie et à son diagnostic. Dans certaines régions d’Inde, les personnes atteintes de la lèpre sont exclues de la société et rejetées par leurs familles. Un phénomène qui n’a rien de nouveau, certes, les malades sont ostracisés et évités par leurs congénères depuis des millénaires. Mais ce que l’étude a révélé, c’est que la peur de la lèpre est l’un des facteurs qui contribue le plus à sa transmission. Les réponses des personnes interrogées (voir encadré) le montrent clairement : les malades veulent à tout prix éviter que leur maladie soit connue. Ils sont prêts à parcourir de longues distances pour se faire soigner discrètement, sans que leur famille ou leurs connaissances n’en soient informées. En outre, de nombreuses personnes interrogées semblent penser que les traitements contre la lèpre sont disponibles exclusivement dans les villes et qu’il n’existe pas de services médicaux pour les malades dans les campagnes. C’est pourquoi ils ont tendance à quitter les zones rurales pour se rendre dans les grandes villes et s’y faire soigner. Or, cela renforce le risque de transmission de la maladie, et les conséquences peuvent être particulièrement dramatiques dans les zones urbaines, où la surpopulation et les conditions d’hygiène insuffisantes créent le terreau idéal pour des maladies telles que la lèpre.
Les femmes et les enfants, plus difficiles à atteindre
Une situation encore aggravée par le fait que de nombreux hommes pauvres issus des campagnes viennent chercher du travail dans les villes. Ils se déplacent entre villes et campagnes, ce qui entraîne une augmentation des cas de lèpre dans les zones rurales également. Et bien que les possibilités de soins soient plus nombreuses dans les villes, les travailleurs migrants atteints de la lèpre ont tendance à retourner dans leurs villages avant la fin de leur traitement, contaminant ainsi leurs familles. Un phénomène qui présente des risques importants, en particulier pour les femmes et les enfants car l’infection n’est souvent diagnostiquée que tardivement chez eux, voire pas du tout. Les hommes repartent ensuite vers les villes à la recherche de travail, laissant derrière eux leurs proches malades. Or, dans les villes, les travailleurs migrants peuvent se faire soigner préventivement contre la lèpre, ce qui n’est pas le cas des membres de leurs familles. Et pour compliquer encore les choses, les femmes vivant à la campagne voyagent souvent moins que les hommes pour des questions de traditions, et n’ont donc pas la possibilité de se faire soigner dans les villes. De même, la peur des stigmatisations et des discriminations ne favorise pas le diagnostic et la prise en charge des femmes atteintes de la lèpre, leur faisant ainsi souvent rater le créneau pour un traitement précoce. Une situation d’autant plus tragique que la lèpre, bien que totalement curable, entraîne avec le temps des handicaps graves et permanents si elle n’est pas traitée.
Assurer l’accès aux soins et la prise en charge des femmes en milieu rural
L’étude FAIRMED a permis d’émettre plusieurs hypothèses pour expliquer le taux de prévalence élevé en Inde, en particulier dans les zones rurales. Et de formuler diverses recommandations, que FAIRMED souhaite maintenant mettre en œuvre en collaboration avec les autorités sanitaires locales. Il s’agit notamment de faire mieux connaître les services de santé dans les zones rurales et de veiller à ce qu’ils disposent des ressources nécessaires. Ainsi, les malades ne ressentiront plus la nécessité de se rendre dans les villes pour recevoir un traitement efficace en toute discrétion. De plus, nous devons assurer un meilleur suivi des travailleurs migrants sur l’ensemble du territoire afin de leur dispenser les médicaments nécessaires et de veiller à ce qu’ils suivent leur traitement jusqu’au bout, même en cas de déplacement. Et nous devons communiquer sur le fait que les femmes atteintes de la lèpre ne reçoivent souvent pas les soins nécessaires par peur des stigmatisations ou par manque d’accès aux services dans les zones rurales, afin d’y remédier. De cette manière, FAIRMED espère aider l’Inde à éradiquer définitivement cette maladie ancestrale liée à la pauvreté.
L’étude
Pour cette étude, FAIRMED et ses organisations partenaires ont interrogé 396 travailleurs migrants atteints de la lèpre et mené des entretiens avec 236 proches de malades. L’étude a été menée dans les États de l’Uttar Pradesh, du Bihar, de Delhi et de Chandigarh. Des territoires choisis parce qu’ils enregistrent chaque année un nombre de cas de lèpre supérieur à la moyenne et parce qu’ils sont le théâtre de nombreux mouvements de population.