septembre 2025

Une vie dédiée à la santé des plus démunis

Richard Hehl s’est engagé pendant une soixantaine d’années auprès de l’organisation FAIRMED, qui s’appelait jusqu’en 2009 « Aide aux lépreux Emmaüs-Suisse ». D’abord en tant que chirurgien de la main, opérant des personnes atteintes de la lèpre pour le compte de l’ancienne organisation Aide aux lépreux dans les années 1960 en Inde, puis ces dernières décennies en tant que membre bénévole engagé au conseil de fondation. Richard Hehl, qui a toujours su nous soutenir avec humour et humanité, et nous dispenser des conseils avisés, est décédé à l’âge de 91 ans. Pour ses funérailles, pas de fleurs, mais plutôt des dons en faveur de FAIRMED.

Il y a peu encore, Richard Hehl participait aux réunions avec les responsables régionaux de FAIRMED, toujours avec un sourire malicieux aux lèvres, posant des questions intéressantes et écoutant patiemment – un homme aimable et un médecin expérimenté, apprécié de tous. « À l’automne 1963, j’ai embarqué à Venise avec ma femme et mes deux jeunes fils pour un voyage vers l’inconnu », nous avait-il confié il y a six ans, lorsque nous l’avions interviewé à l’occasion du soixantième anniversaire de FAIRMED.

Chirurgien spécialisé en orthopédie et en chirurgie de la main, il a opéré durant des années des malades de la lèpre dans des endroits exotiques pour l’époque. « Au bout de douze jours de voyage, nous sommes arrivés à Bombay. Nous avons poursuivi notre route vers le sud du pays, à la découverte d’un tout autre monde. » Il se réjouissait de ce projet, mais a pourtant dû faire face, avec sa famille, à de nombreux défis insolites. « La chaleur étou ante dans la maison aux fenêtres sans vitres, à laquelle venait s’ajouter la barrière de la langue. Et que dire de ma découverte du curry indien », nous avait-il raconté.

D’indésirables invités

Les conditions de travail n’étaient en rien comparables à ce que je connaissais en Suisse. « L’unité de chirurgie où les patients atteint de la lèpre étaient reçus en ambulatoire pour les traitements préopératoires et post-opératoires se trouvait dans un petit bâtiment annexe de l’hôpital missionnaire, dans lequel avaient lieu les opérations de chirurgie reconstructrice. Parfois, j’opérais même dans une minuscule unité extérieure dotée d’un bloc opératoire des plus spartiates. La fenêtre grillagée permettait certes de tenir à distance les corbeaux, mais pas les nombreux cafards », nous avait-il confié avec le sourire.

Le corps médical évitait les personnes atteintes de la lèpre
En plus des consultations préopératoires et post-opératoires, les interventions chirurgicales étaient menées trois jours par semaine, et ce, le plus vite possible afin de traiter un maximum de patients présentant une paralysie au niveau des pieds ou des mains. De quoi mettre en place une routine bien huilée, se souvenait Richard Hehl. Après un an en Inde, la petite famille a ensuite bouclé ses valises pour se rendre en Turquie, où elle est restée trois ans. Le chirurgien a créé au sein de l’hôpital universitaire d’Ankara une unité d’opération et de rééducation pour les patients atteints de la lèpre, encore nombreux à l’époque et souvent évités par les médecins locaux par peur des contaminations. Fin 1967, au bout d’une mission particulièrement gratifiante, la famille agrandie par l’arrivée d’une petite fille est repartie pour Berne et le chirurgien a pris ses quartiers à l’Hôpital de l’Île. « Je suis rentré enrichi d’une grande expérience dans le travail d’aide au développement, d’incroyables aptitudes en chirurgie spécialisée, et je garde d’excellents souvenirs de cette époque. J’ai aussi rapporté un chat angora d’Ankara qui semait la terreur parmi ses congénères bernois », nous avait-il glissé en riant.

Une implication par-delà la mort
Richard Hehl est aujourd’hui décédé après une vie bien remplie, et nous ne serions pas surpris qu’il ait fait ses adieux avec ces mots, cités dans son faire-part : « Dans mon petit sac rempli de souvenirs et d’images, j’ai un poème, des chaussettes chaudes et deux oreillers moelleux, et dans les oreilles, la musique de Brahms ».

Nous sommes profondément attristés, et très reconnaissants.